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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


clergé, dans la bourgeoisie, L’éducation philosophique du xviiie siècle avait ravivé l’ancienne initiative provinciale, et toute la haute classe s’était offerte avec zèle aux fonctions publiques et gratuites que seule elle pouvait bien remplir. Le président du district, le maire et les officiers municipaux avaient été choisis parmi les ecclésiastiques et les nobles ; les trois premiers officiers de la garde nationale étaient des chevaliers de Saint-Louis, et les autres grades étaient occupés par les principaux bourgeois. Ainsi l’élection libre avait conféré les pouvoirs aux supériorités sociales, et le nouvel ordre s’appuyait sur la hiérarchie légitime des conditions, des éducations et des capacités. — Mais, depuis six mois, le club, formé par « une douzaine de têtes exaltées et turbulentes, sous la présidence et dans la main du sieur Rattier, ancien cuisinier », a travaillé la populace et les campagnes ; Tout d’un coup, à la nouvelle de l’évasion du roi, les Jacobins « publient que les nobles et les prêtres lui ont fourni de l’argent pour son départ et pour opérer la contre-révolution ». Telle famille a versé tant, telle autre tant : la chose est indubitable, puisqu’on donne les chiffres précis, et qu’on les donne pour chaque famille « d’après ses facultés connues ». — Aussitôt « les principaux clubistes, associés à la portion véreuse de la garde nationale », se répandent dans les rues par escouades : les maisons des nobles et des bourgeois suspects sont envahies ; toutes les armes, « fusils, pistolets, épées, couteaux de chasse, « cannes à lame », sont enlevées ; on fouille partout ; on