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LA RÉVOLUTION


fait ouvrir ou l’on force les secrétaires et les armoires pour y chercher des munitions ; la perquisition s’étend jusqu’aux toilettes des dames » ; par précaution, « on casse leurs bâtons de pommade, présumant qu’ils peuvent contenir des balles cachées et l’on emporte leur poudre à poudrer, sous prétexte que c’est de la poudre à canon peinte et masquée ». Puis, sans désemparer, la bande se transporte aux environs, dans la campagne, et opère avec la même célérité dans les châteaux, tellement « qu’en un seul jour, tous les citoyens honnêtes, tous ceux qui ont le plus de propriétés et de mobilier à défendre, restent sans armes à la discrétion des premiers brigands ». Sont désarmés tous ceux que l’on répute aristocrates. Sont réputés aristocrates « tous ceux qui désapprouvent le délire du jour, ou qui ne fréquentent pas le club, ou qui reçoivent chez eux quelque ecclésiastique insermenté », en première ligne « les officiers nobles de la garde nationale, à commencer par le commandant, et tout l’état-major ». — Ceux-ci se sont laissé prendre leurs épées sans résistance ; avec une longanimité et un patriotisme dont leurs pareils donnent partout l’exemple, « ils ont la complaisance de rester à leur poste, pour ne pas désorganiser la force armée ; ils espèrent que cet égarement aura un terme », et se contentent de réclamer auprès du département. — Mais c’est en vain que le département ordonne la restitution des armes ; les clubistes refusent de les rendre tant que le roi n’aura pas accepté la Constitution ; en attendant, ils ne