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LA RÉVOLUTION


Société des gourdins ferrés, qui s’appelle elle-même le Pouvoir exécutif, se portent en force dans les assemblées de section, brûlent un scrutin, tirent des coups de fusil et tuent deux hommes. Pour rétablir la paix, la municipalité consigne chaque compagnie de la garde nationale à la porte de son capitaine, et naturellement les modérés obéissent, mais les violents n’obéissent pas. Au nombre d’environ deux mille, ils parcourent la ville, entrent dans les maisons, tuent trois hommes dans la rue ou à domicile, et obligent les corps administratifs à suspendre les assemblées électorales. De plus, ils exigent le désarmement « des aristocrates », et, ne l’obtenant pas assez vite, ils tuent un artisan qui se promenait avec sa mère, lui coupent la tête, la portent en triomphe, et la suspendent devant sa maison. Aussitôt les autorités persuadées décrètent le désarmement, et les vainqueurs paradent en corps dans les rues : par gaieté ou par précaution, ils lâchent en passant leur coup de fusil à travers les fenêtres des maisons suspectes, et, un peu au hasard, tuent encore un homme et une femme. Dans les trois jours qui suivent, six cents familles émigrent, et les administrateurs écrivent que tout va bien, que la concorde est rétablie : « À présent, disent-ils, les élections se font avec la plus grande tranquillité, parce que tous les malintentionnés s’en sont volontairement écartés, une grande partie d’entre eux ayant quitté la ville[1] ». On a fait le vide autour du scrutin,

  1. Mercure de France, no du 10 décembre 1791. Lettre de Montpellier du 17 novembre 1791. — Archives nationales, F7, 3223.