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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


et cela s’appelle l’unanimité des voix. — De telles exécutions sont d’un grand effet, et il n’y a pas besoin d’en faire beaucoup ; quelques-unes suffisent quand elles sont heureuses et restent impunies, ce qui est toujours le cas. Désormais les Jacobins n’ont qu’à menacer : on ne leur résiste plus, on sait qu’il en coûte trop de leur résister en face ; on ne se soucie pas d’aller aux assemblées électorales récolter des injures et des dangers ; on se confesse vaincu, et d’avance. Sans compter les coups, n’ont-ils pas des arguments irrésistibles ? À Paris, dans trois numéros successifs, Marat vient de dénoncer par leurs noms « les scélérats et les coquins » qui briguent pour se faire nommer électeurs[1], non pas des nobles ou des prêtres, mais de simples bourgeois, avocats, architectes, médecins, bijoutiers, papetiers, imprimeurs, tapissiers et autres fabricants, chacun inscrit dans le journal avec son nom, sa profession, son adresse et l’une des qualifications suivantes : « tartufe, homme sans mœurs et sans probité, banqueroutier, mouchard, usurier, maître filou », sans compter d’autres que je ne puis transcrire. Remarquez que la liste de dif-

    Extrait des lettres sur les événements du 9 au 12 octobre 1791. Pétition par MM. Thuéri et Devès, 17 novembre 1791. Lettre des mêmes au ministre, 25 octobre. Lettres de M. Dupin, procureur-syndic du département, au ministre, 14 et 15 novembre, 26 décembre 1791 (avec procès-verbaux). — Parmi les hommes assassinés dans les journées des 14 et 15 novembre, on trouve un orfèvre, un procureur, un menuisier, un teinturier. — « Cette scène affligeante, écrit le procureur-syndic, a rendu le calme à la ville. »

  1. Buchez et Roux, X, 223. L’Ami du Peuple, nos des 17, 19, et 21 juin 1791.


  la révolution. iii.
T. V. — 8