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LA RÉVOLUTION


famation peut devenir une liste de proscription, que dans toutes les villes et bourgades de France des listes semblables sont incessamment dressées et colportées par le club local, et jugez si, entre ses adversaires et lui, la lutte est égale. — Quant aux électeurs de la campagne, il a pour eux des moyens de persuasion appropriés, surtout dans les innombrables cantons ravagés ou menacés par la jacquerie, par exemple dans la Corrèze, où « les insurrections et les dévastations ont gagné tout le département, et où l’on ne parle que de pendre les huissiers qui feront des actes[1] ». Pendant toute la durée des opérations électorales, le club est resté en permanence ; « il n’a cessé d’appeler ses électeurs à ses séances » ; chaque fois, « il n’y était question que de la destruction des étangs et des rentes ; et les grands orateurs se sont résumés à dire qu’il ne fallait point en payer ». Composée de campagnards, la majorité des électeurs s’est trouvée sensible à cette éloquence ; tous ses candidats ont dû se prononcer contre les rentes et contre les étangs ; c’est sur cette profession de foi qu’elle a nommé les députés et l’accusateur public ; en d’autres termes, pour être élus, les Jacobins ont promis aux tenanciers avides la propriété et le revenu des propriétaires. — Déjà, dans les procédés par lesquels ils obtiennent le tiers des places en 1791, on aperçoit en germe les procédés par lesquels ils prendront toutes les places en 1792, et, dès cette première campagne électorale,

  1. Archives nationales, F7, 3904. Lettre de M. Melon de Pradou, commissaire du roi à Tulle, 8 septembre 1791.