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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


pose de mettre entre leurs mains deux places de sûreté, Dunkerque et Calais ; un autre jour, il veut « tenter une descente en Espagne » et en même temps envoyer une flotte pour conquérir le Mexique. — Au comité des finances, le principal personnage est Cambon, négociant de Montpellier, bon comptable, qui plus tard simplifiera les écritures et fera le Grand Livre de la dette, c’est-à-dire de la banqueroute publique ; en attendant, il y pousse de toute sa force, encourageant l’Assemblée à entreprendre la ruineuse et terrible guerre qui va durer vingt-trois ans ; selon lui, on a « plus d’argent qu’il n’en faut[1] ». À la vérité, le gage des assignats est mangé, les impôts ne rentrent pas, on ne vit que du papier qu’on émet, les assignats perdent 40 pour 100, le déficit prévu pour 1792 est de 400 millions[2] ; mais le financier révo-

  1. Moniteur. Discours de Cambon, séances du 2 février et du 20 avril 1792.
  2. Ib., séance du 3 avril. Discours de M. Cailhasson : les biens nationaux « vendus et à vendre sont évalués à 2195 millions, et les assignats émis s’élèvent déjà à 2100 millions ». — Cf. Mercure de France, nos du 17 décembre 1791, 201, du 28 janvier 1792, 215, du 19 mai 1792, 205. — Dumouriez, Mémoires, III, 296 ; 339, 340, 344 et 346 : « Cambon, un fou furieux, sans éducation, sans aucun principe d’humanité et de probité (publiques) ; brouillon, ignorant et très étourdi… Il me dit qu’il ne lui restait qu’un seul moyen, c’est de s’emparer de tout le numéraire de la Belgique, de toute l’argenterie des églises et de toutes les caisses… ; que, quand on aurait ruiné les Belges, quand on les aurait mis au même point de détresse que les Français, ils s’associeraient nécessairement à leur sort ; qu’alors en les admettrait comme membres de la République, avec l’espérance de conquérir toujours devant soi par le même genre de politique ; que le décret du 15 décembre 1792 était excellent pour arriver à ce but, parce qu’il tendait à tout désorganiser, et que c’était ce qui pouvait arriver de plus heureux à la France