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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« que nous partagerions ce respect superstitieux[1] ? » — À cette érudition de collège, joignez le résidu philosophique déposé dans les esprits par le grand sophiste en vogue. Larivière lit à la tribune[2] la page du Contrat social où Rousseau prononce que le souverain peut bannir les membres « d’une religion insociable », et punir de mort « celui qui, ayant reconnu publiquement les dogmes de la religion civile, se conduit comme ne les croyant pas ». Sur quoi, un autre perroquet sifflé, M. Filassier, s’écrie : « Je convertis en motion la proposition de J. J. Rousseau, et je demande qu’elle soit mise aux voix ». — Pareillement on propose d’accorder aux filles le droit de se marier toutes jeunes malgré leurs parents, en remarquant, d’après la Nouvelle Héloïse, « qu’une jeune fille de treize à quatorze ans commence à soupirer pour une union qui est dans la nature, qu’elle lutte entre ses passions et le devoir, que, si elle triomphe, elle est martyre, que rarement on en impose à la nature, et qu’il peut arriver qu’une jeune personne préfère la honte paisible d’une défaite aux fatigues d’une lutte de huit ans ». — On institue le divorce pour « conserver dans le mariage cette quiétude heureuse qui rend les sentiments plus vifs[3]

  1. Moniteur, XI. 179, séance du 20 janvier 1799. — Ib., 216, séance du 24 janvier. — Ib., XII, 426, séance du 9 mai.
  2. Ib., XII, 479, séance du 24 mai. — XIII, 71, séance du 7 juillet, discours de La Source. — Cf. XIV, 301, séance du 31 juillet. Une citation de Voltaire est alléguée pour faire supprimer les couvents.
  3. Moniteur, séance du 30 août, discours d’Aubert-Dubayet.