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LA RÉVOLUTION


« Désormais il ne sera plus une chaîne, mais l’acquit d’une dette agréable que tout citoyen doit à la patrie… Le divorce est le dieu tutélaire de l’hymen[1]. » — Des gravelures et des gazes mythologiques, un arrière-fond de pédanterie classique, les notions écourtées et vagues de l’éducation moyenne, nulle information solide et précise, les banalités vides et coulantes de l’amplificateur qui développe en longues tirades les adages de son manuel révolutionnaire, bref la culture superficielle et le raisonnement verbal, c’est de ces ingrédients vulgaires et dangereux que se compose l’intelligence des nouveaux législateurs[2].

III

D’après cela, on peut se figurer leurs séances. « Plus incohérentes et surtout plus passionnées que celles de l’Assemblée constituante[3] », elles présentent les mêmes traits, mais grossis. L’argumentation y est plus faible, l’invective plus violente, le dogmatisme plus

  1. Discours de Chaumette, procureur de la Commune, aux nouveaux mariés (Mortimer-Ternaux, IV, 408).
  2. La classe à laquelle ils appartenaient a été peinte au vif par M. Royer-Collard (Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, IV, 263) : « Jeune avocat à Paris, reçu d’abord dans quelques maisons de l’île Saint-Louis, il se retira vite de ce monde secondaire de robins et de procureurs dont le ton l’avait suffoqué. L’impression de cette médiocrité galante et précieusement vulgaire lui inspirait encore, rien qu’à y penser, un geste de dégoût. Il aimait mieux au besoin causer avec les bateliers du port qu’avec ces robins musqués. »
  3. Étienne Dumont, Mémoires, 40. — Mercure de France, nos du 19 novembre 1791, du 11 février et du 3 mars 1792, articles de Mallet du Pan.