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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE

Ainsi surexcitée et tournée, il ne manque plus à la plèbe qu’un signe de ralliement et des armes : tout de suite ils lui fournissent ces armes et ce signe de ralliement. Par une coïncidence frappante et qui montre bien un plan concerté[1], ils ont mis en branle du même coup trois machines politiques. Au moment juste où, par leurs rodomontades voulues, ils rendaient la guerre inévitable, ils ont arboré la livrée populaire, et ils ont armé les indigents. Presque dans la même semaine, à la fin de janvier 1792, ils ont signifié à l’Autriche leur ultimatum à délai fixe, adopté le bonnet de laine rouge et commencé la fabrication des piques. — Manifestement, en rase campagne, contre une armée régulière et des canons, ces piques ne peuvent servir ; c’est donc à l’intérieur et dans les villes qu’elles doivent trouver leur emploi. Que le garde national aisé qui paye son uniforme, que le citoyen actif, privilégié par ses 3 francs de contribution directe, ait son fusil ; l’ouvrier du port,

  1. La Fayette, I, 442 : « Les Girondins cherchaient dans la guerre une occasion d’attaquer avec avantage les constitutionnels de 1791 et leurs institutions. » — Brissot, Adresse à mes constituants : « Nous cherchions dans la guerre une occasion de tendre des pièges au roi, pour manifester sa mauvaise foi et ses liaisons avec les princes émigrés. » — Moniteur, séance du 3 avril 1795. Discours de Brissot : « J’avais fait part de mon opinion aux Jacobins et j’avais prouvé que la guerre était le seul moyen de dévoiler les perfidies de Louis XVI. L’événement a justifié mon opinion. » — Buchez et Roux, VIII, 60, 216, 217. Le décret de l’Assemblée législative est du 25 janvier ; le premier argent voté par un club pour la fabrication des piques est du 31 janvier ; le premier article de Brissot sur le bonnet rouge est du 6 février.