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LA RÉVOLUTION


corrompue des légats italiens, la contrée était devenue « l’asile assuré de tous les mauvais sujets de la France, de l’Italie et de Gênes : moyennant une faible rétribution qu’ils donnaient aux agents du pape, ils en obtenaient protection et impunité ». Les contrebandiers et les receleurs de contrebande y affluaient, pour percer le cercle des douanes françaises. « Il s’y formait des troupes de voleurs et d’assassins que la sévérité des parlements d’Aix et de Grenoble ne pouvait pas extirper entièrement. Les oisifs, les libertins, les joueurs de profession[1] », les sigisbés entretenus, les intrigants, les parasites, les aventuriers, y coudoyaient les hommes marqués sur l’épaule, les vétérans du vice et du crime, « les échappés des galères de Toulon et de Marseille ». La férocité s’y dissimulait dans la débauche, comme un serpent dans sa vase, et il ne fallait qu’une occasion pour changer en coupe-gorge le mauvais lieu.

Dans cet égout, les meneurs jacobins, Tournal, Rovère, les deux Duprat, les deux Mainvielle, Lécuyer, ont aisément pêché des recrues. — D’abord, avec la canaille de la ville et de la banlieue, paysans ennemis de l’octroi, vagabonds ennemis de tout ordre, portefaix

    cres ; personne n’avait le droit exclusif de chasse ou de pêche ; les non-propriétaires pouvaient avoir des fusils et chasser partout.

  1. Archives nationales, F7, 3273. Lettre de M. Pelet de la Lozère, préfet du Vaucluse au ministre, an VIII, 30 germinal. — Ib., DXXIV, 3. Lettre de M. Mulot, l’un des commissaires médiateurs, au ministre, 10 Octobre 1791 : « Dans quel pays m’avez-vous envoyé ! c’est la terre de la duplicité. L’italianisme y a poussé de longues racines ; je crains qu’elles ne soient vivaces. »