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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


— Nul recours aux tribunaux criminels : dans quarante départements, ils ne sont pas encore installés ; dans les quarante-trois autres, ils sont intimidés, se taisent ou manquent d’argent et d’hommes pour faire exécuter leurs arrêts[1]. — Telle est la fondation de l’État jacobin, une confédération de douze cents oligarchies qui manœuvrent leur clientèle de prolétaires sur le mot d’ordre expédié de Paris : c’est un État complet, organisé, actif, avec son gouvernement central, sa force armée, son journal officiel, sa correspondance régulière, sa politique déclarée, son autorité, établie, ses représentants et agents locaux : ceux-ci administrent en fait, à côté des administrations annulées ou à travers les administrations asservies. — Vainement les derniers ministres, bons commis et honnêtes gens, essayent de remplir leur office : leurs injonctions et remontrances ne sont que du papier noirci[2]. Désespérés, ils se démettent en déclarant que, « dans ce renversement de tout ordre,… dans

  1. Moniteur, X, 420. Rapport de M. Cahier, ministre de l’intérieur, 18 février 1792 : « Dans tous les départements, la liberté des cultes a été plus ou moins violée… Les dépositaires du pouvoir sont traduits au tribunal du peuple comme ses ennemis. » — Sur l’impuissance foncière et croissante du roi et de ses ministres, cf. Moniteur, XI, 11 (31 décembre 1791). — Lettre du ministre des finances. — XII, 200 (23 avril 1792). Rapport du ministre de l’intérieur. — XIII, 53 (4 juillet 1792). Lettre du ministre de la justice.
  2. Mortimer-Ternaux, II, 369. Lettre du directoire des Basses-Pyrénées, 25 juin 1792. — Archives nationales, F7, 3200. Lettre du directoire du Calvados au ministre de l’intérieur, 3 août : « Nous ne sommes pas les agents du roi ni des ministres. » — Moniteur, XIII, 103. Déclaration de M. Dejoly, ministre, au nom de ses collègues (séance du 10 juillet 1792).