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LA RÉVOLUTION


égal auprès du président de l’Assemblée, qu’ils appellent « le président de la nation[1] ». À leurs yeux, l’Assemblée est l’unique souveraine. « Tandis que les autres pouvoirs, dit Condorcet, ne peuvent légitimement agir que s’ils sont spécialement autorisés par une loi expresse, l’Assemblée peut faire tout ce qui ne lui est pas formellement interdit par la loi[2] », en d’autres termes interpréter la Constitution, par suite l’altérer, l’abroger, la défaire. En conséquence, au mépris de la Constitution, elle s’est arrogé l’initiative de la guerre[3], et, dans les rares occasions où le roi use de son veto, elle passe outre ou laisse passer outre. Vainement il a rejeté, conformément à son droit légal, les décrets qui persécutent les ecclésiastiques insermentés, qui séquestrent les biens des émigrés, qui établissent un camp sous Paris. Sur la suggestion des députés jacobins[4], les

  1. Moniteur, X, 39 et pages suivantes, séances des 5 et 6 octobre 1791. Discours de Chabot, Couthon, Lequinio, Vergniaud. — Mercure de France, n° du 15 octobre. — Discours de Robespierre, 17 mai 1790 : « Le roi n’est pas le représentant, mais le commis de la nation. » — Cf. Ernest Hamel : Vie de Robespierre.
  2. Moniteur, XIII, 97, séance du 6 juillet 1792.
  3. Buchez et Roux, XIII, 61, 28 janvier 1792. Le roi, avec sa douceur ordinaire, fait remarquer à l’Assemblée l’usurpation qu’elle commet : « La forme que vous avez adoptée est susceptible d’observations importantes ; je ne les développerai pas aujourd’hui : la gravité des circonstances exige que je m’occupe encore plus de maintenir l’accord de nos sentiments que de discuter continuellement mes droits. »
  4. Sauzay, II, 99. Lettre du député Vernerey au directoire du Doubs : « Le directoire du département peut toujours user de la plus grande sévérité contre les séditieux, et, à part l’article de leur pension, suivre la marche qui était tracée dans le décret. Si le pouvoir exécutif voulait entraver les opérations du direc-