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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


insermentés sont internés, expulsés, emprisonnés par les municipalités et les directoires ; les terres et les maisons des émigrés et de leurs parents sont abandonnées sans résistance à la jacquerie ; le camp sous Paris est remplacé par l’appel des fédérés à Paris. Bref, on élude la sanction du monarque ou l’on s’en dispense. — Quant à ses ministres, « ils ne sont que des commis du corps législatif parés de l’attache royale[1] ». En pleine séance, on les malmène, on les rudoie, on les couvre d’avanies, non seulement comme des laquais mal famés, mais encore comme des malfaiteurs avérés. On les interroge à la barre, on leur défend de quitter Paris avant d’avoir rendu leurs comptes, on visite leurs papiers, on leur impute à crime les expressions les plus mesurées et les actes les plus méritoires, on provoque contre eux les dénonciations, on révolte contre eux leurs subordonnés[2], on institue contre eux un comité de surveil-

    toire,… celui-ci aurait son recours à l’assemblée nationale, qui, selon toutes les probabilités, le mettrait à l’abri des attaques ministérielles. » — Moniteur, XII, 202, séance du 23 avril. Rapport de Roland, ministre de l’intérieur. Déjà à cette date, 42 départements ont expulsé ou interné les insermentés.

  1. Mercure de France, no du 25 février.
  2. Moniteur, X, 440, séance du 22 novembre 1791. On lit une lettre de M. Southon, directeur des monnaies à Pau, « se plaignant, comme d’un ordre arbitraire, d’un ordre du ministre de l’intérieur de se rendre à Pau pour le 25 de ce mois, sous peine de destitution. » — Isnard appuie la plainte. « M. Southon, dit-il, se trouve ici pour travailler à une dénonciation bien détaillée contre le ministre de l’intérieur (les tribunes applaudissent). Si l’on renvoie dans leurs départements les citoyens assez zélés pour faire la guerre aux abus, nous n’aurons jamais de dénonciations (les applaudissements recom-