Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


enfoncée par la presse et une irruption de la foule sur la terrasse des Feuillants, aucun acte de violence n’a été commis : excepté dans les moments de fureur, le peuple parisien est plutôt bavard et badaud que féroce ; d’ailleurs, jusqu’ici personne ne lui a résisté. Il a tout son soûl de parade et de cris ; plusieurs bâillent d’ennui et de lassitude[1] ; il est quatre heures, voici déjà dix ou douze heures d’horloge qu’ils sont sur leurs jambes. Le flot humain, qui, au sortir de l’Assemblée, est venu se déverser sur le Carrousel, y reste stagnant, et semble prêt à rentrer dans ses canaux ordinaires. — Ce n’est point là le compte des meneurs. Santerre, arrivant avec Saint-Huruge, s’aperçoit qu’il faut une dernière poussée, et décisive ; il crie à ses hommes : « Pourquoi n’êtes-vous pas entrés dans le château ? Il faut y entrer, nous ne sommes descendus ici que pour cela[2]. » — « Le Carrousel est forcé, crie un lieutenant des canonniers du Val-de-Grâce, il faut que le château le soit. Voici la première fois que les canonniers du Val-de-Grâce marchent : ce ne sont pas des j… f… Allons, à moi, canonniers, droit à l’ennemi[3] ! » — Cependant, de l’autre côté de la porte des officiers municipaux, choisis par Pétion parmi les plus révolutionnaires du Conseil, dissolvent la résistance par leurs harangues et leurs injonctions. « Après tout, disait l’un d’eux, nommé

  1. Chronique des cinquante jours, par Rœderer. — Déposition de Lareynie.
  2. Déposition de Lareynie.
  3. Rapport de Saint-Prix.