Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


lant de collaborateurs intrus, les Jacobins extrêmes dominent aux sections comme à l’Assemblée ; aux sections comme à l’Assemblée, ils chassent ou font taire les modérés, et, quand la salle est demi-vide ou muette, leur motion passe. Colportée dans le quartier voisin, elle y est enlevée de même ; au bout de quelques jours, elle a fait le tour de Paris, et revient à l’Assemblée comme la volonté authentique de la population unanime[1].

À présent, pour que cette volonté postiche s’exécute, il lui faut un comité central d’exécution, et, par un chef-d’œuvre d’aveuglement, c’est Pétion, le maire girondin, qui se charge de le loger, de l’autoriser et de l’organiser. Le 17 juillet[2], il institue au parquet de la Commune

  1. Moniteur, XI, 20, séance du 4 février. Déjà, dans cette séance, Gorguereau, rapporteur du comité de législation, disait : « Les auteurs de ces adresses multipliées semblent moins demander qu’ordonner… Ce sont toujours les mêmes sections, ou plutôt les mêmes individus, qui vous trompent quand ils vous apportent leurs propres parjures pour ceux de la capitale (les tribunes : À bas le rapporteur !). » — Ib., XIII, 93, séance du 11 juillet. M. Gastelier : « On vous lit sans cesse, au nom du peuple, des adresses qui ne sont pas même le vœu d’une section. Nous avons vu la même personne venir trois fois dans une semaine réclamer au nom de la souveraineté (cris dans les tribunes : À bas ! à bas !). » — Ib., 208, séance du 21 juillet. M. Dumolard : « Vous distinguerez du peuple de Paris ces intrigants subalternes,… ces orateurs habituels de café et de place publique, dont l’existence équivoque fait, depuis longtemps, l’objet de la surveillance et de la sévérité de la police (murmures, huées des tribunes, cris : À bas l’orateur !). » — Mortimer-Ternaux, II, 398. Protestation de la section de l’Arsenal, lue par Lavoisier (le chimiste) : « Le caprice d’une poignée de citoyens devient (ainsi) le vœu d’une immense population. »
  2. Buchez et Roux, XVI, 251. — Mortimer-Ternaux, II, 239 et 243. Le bureau central est d’abord établi dans « les bâtiments du Saint-Esprit, au 2e étage, près le passage qui communique