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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


çoivent avec effroi sa tête plate et hideuse. Aussitôt ils reculent, et jusqu’au dernier moment ils feront effort pour l’empêcher de mordre. Le 7 août, Pétion vient lui-même chez Robespierre, afin de lui représenter les dangers d’une insurrection et d’obtenir qu’on laisse à l’Assemblée le temps de discuter la déchéance. Le même jour, Vergniaud et Guadet, par l’entremise du valet de chambre Thierry, proposent au roi de remettre jusqu’à la paix le gouvernement à un conseil de régence. Dans la nuit du 9 au 10 août, une circulaire pressante de Pétion engage les sections à demeurer tranquilles[1]. — Il est trop tard. Cinquante jours d’excitations et d’alarmes ont exalté jusqu’au délire l’égarement des imaginations malades. — Le 2 août, une multitude d’hommes et de femmes se précipitent à la barre de l’Assemblée en criant : « Vengeance ! vengeance ! on empoisonne nos frères[2] ! » La vérité vérifiée est qu’à Soissons, où le pain de munition est manipulé dans une église, quelques fragments de vitraux brisés se sont trouvés dans une fournée ; là-dessus, le bruit a couru que 170 volontaires étaient morts et 700 à l’hôpital. — L’instinct féroce se

  1. Robespierre, ib. — Malouet, II, 233, 234. — Rœderer, Chronique des cinquante Jours.
  2. Moniteur, XIII, 318, 319. La pétition semble rédigée par des gens hors d’eux-mêmes : « Si nous ne comptions pas sur vous, je ne vous réponds pas des excès où notre désespoir pourrait nous porter : nous péririons dans les horreurs de la guerre civile, pourvu qu’en mourant nous entraînions avec nous quelques uns des lâches qui nous assassinent. » — Notez que les représentants parlent du même ton. La Source : « Les membres qui sont ici demandent comme vous vengeance. » — Thuriot : « Le crime est atroce. »