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LA RÉVOLUTION


déchue que le roi lui-même, elle n’est plus qu’une chambre d’enregistrements des volontés populaires, et, dès le matin, elle a pu voir le cas que la plèbe armée fait de ses décrets. Dès le matin, on tuait à sa porte, au mépris de ses sauvegardes expresses ; à huit heures, Suleau et trois autres, arrachés de son corps de garde, ont été sabrés sous ses fenêtres. Dans l’après-midi, soixante ou quatre-vingts Suisses désarmés qui restaient encore dans l’église des Feuillants sont emmenés à l’Hôtel de Ville et, avant d’arriver, massacrés sur la place de Grève. Un autre détachement, conduit à la section du Roule, y est égorgé de même[1]. Le commandant de gendarmerie Carle, appelé hors de l’Assemblée, est assassiné sur la place Vendôme, et sa tête promenée au bout d’une pique. Le fondateur de l’ancien club monarchique, M. de Clermont-Tonnerre, retiré depuis deux ans des affaires publiques et passant tranquillement dans la rue, est reconnu, traîné dans le ruisseau et mis en pièces. — Après de tels avertissements, l’Assemblée n’a plus qu’à obéir en couvrant, selon son usage, sa soumission sous de grands mots. Si le comité dictatorial qui s’est imposé à l’Hôtel de Ville daigne encore la maintenir en place, c’est par une investiture nouvelle[2]

  1. Mortimer-Ternaux, 356, 357.
  2. Ib., II, 337. Discours d’Huguenin, président de la Commune, à la barre de l’Assemblée nationale : « Le peuple, qui nous envoie vers vous, nous a chargés de vous déclarer qu’il vous investissait de nouveau de sa confiance ; mais il nous a chargés en même temps de vous déclarer qu’il ne pouvait reconnaître, comme juge des mesures extraordinaires auxquelles la nécessité et la résistance à l’oppression l’ont porté, que le