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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/47

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LES JACOBINS


que l’éducation classique a mis en état d’entendre un principe abstrait et d’en déduire les conséquences, mais qui, dépourvus de préparation spéciale, enfermés dans le cercle étroit de leur besogne locale ; sont incapables de se figurer exactement une grande société complexe et les conditions par lesquelles elle vit ; leur talent consiste à faire un discours, un article de journal, une brochure, un rapport, en style plus ou moins emphatique et dogmatique ; le genre admis, quelques uns, bien doués, y seront éloquents : rien de plus. De ce nombre sont les avocats, notaires, huissiers, anciens petits juges et procureurs de province qui fournissent les premiers rôles et les deux tiers des membres de la Législative et de la Convention ; des chirurgiens ou médecins de petite ville, comme Bô, Levasseur et Baudot ; des littérateurs de second ou de troisième ordre, comme Barère, Louvet, Garat, Manuel et Ronsin ; des professeurs de collège, comme Louchet et Romme ; des instituteurs, comme Léonard Bourdon ; des journalistes, comme Brissot, Desmoulins et Fréron ; des comédiens, comme Collot d’Herbois ; des artistes, comme Sergent ; des oratoriens, comme Fouché ; des capucins, comme Chabot ; des prêtres plus ou moins défroqués, comme Lebon, Chasles, Lakanal et Grégoire ; des étudiants à peine sortis des écoles, comme Saint-Just, Monet de Strasbourg, Rousselin de Saint-Albin et Jullien de la Drôme ; bref, des esprits mal cultivés, mal ensemencés, sur lesquels la théorie n’a qu’à tomber pour étouffer les bonnes graines et végéter comme une ortie. Joignez-y les charlatans et