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LA RÉVOLUTION


s’engagent ensemble par une association distincte[1] : ce sont des purs, ils ne veulent pas être confondus dans la foule. Leur patriotisme est de qualité supérieure, et ils comprennent le pacte social à leur façon[2] : s’ils jurent la Constitution, c’est sous réserve des Droits de l’homme, et ils comptent bien, non seulement maintenir les réformes faites, mais achever la révolution commencée. — Pendant la Fédération, ils ont accueilli et endoctriné leurs pareils. Ceux-ci, en quittant la capitale ou les grandes cités, remportent dans leurs petites villes et dans leurs bourgades des instructions et des directions : on leur a dit à quoi sert un club, comment on le forme, et, de toutes parts, des sociétés populaires s’établissent sur le même plan, avec le même but, sous le même nom. Un mois après, il y en a 60 ; trois mois plus tard, 122 ; en mars 1791, 229 ; en août 1791, près de 400[3]. Puis, subitement, leur propagation devient énorme, parce que deux secousses simultanées éparpillent leurs graines sur tous les terrains. — D’une part, à la fin de juillet 1791, les hommes modérés, amis de la loi et par qui les clubs étaient contenus encore, tous les constitutionnels ou feuillants s’en retirent et les abandonnent à l’exagération ou à la trivialité des motionnaires : aussitôt la politique s’y ravale au ton du cabaret

  1. Michelet, Histoire de la Révolution, II, 47.
  2. Le règlement de la Société de Paris porte que les membres devront « travailler à l’établissement et à l’affermissement de la Constitution, suivant l’esprit de la Société ».
  3. Mercure de France, no du 11 août 1790. — Journal de la Société des Amis de la Constitution, no du 21 novembre 1790. — Ib., mars 1791. — Ib., 14 août 1791. Discours de Rœderer. — Buchez et Roux, XI, 481.