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LES JACOBINS


et du corps de garde ; par suite une association politique peut naître partout où il se trouve un corps de garde en un cabaret. — D’autre part, à la même date, les électeurs sont convoqués pour nommer une autre Assemblée nationale et pour renouveler les autorités locales : ainsi la proie est en vue, et partout des Sociétés de chasse s’organisent pour la capturer. — Il s’en forme 600 nouvelles en deux mois[1] : à la fin de septembre 1791, on en compte 1000 ; en juin 1792, 1200, c’est-à-dire autant que, de villes et de bourgades fermées. Après la chute du trône, sous la panique de l’invasion prussienne et dans l’anarchie égale à celle de juillet 1789, il y en aura, comme en juillet 1789, presque autant que de communes, 26 000, dit Rœderer, une dans tout village qui renferme cinq ou six têtes chaudes, criards ou tape-dur, avec un plumitif capable de coucher une pétition par écrit.

Dès le mois de novembre 1790[2], « il faut, disait un journal très répandu, que chaque rue d’une ville, que chaque hameau ait son club. Qu’un honnête artisan, rassemble chez lui ses voisins, qu’à la lueur d’une lampe brûlant à frais communs il leur lise les décrets de l’Assemblée nationale en assaisonnant la lecture de ses propres réflexions ou de celles de ses voisins ; qu’à la fin de la séance, pour égayer un peu l’auditoire alarmé par un numéro de Marat, on lui fasse

  1. Michelet, II, 407. — Moniteur, XII, 347, 11 mai 1792, article de Marie-Joseph Chénier. Selon lui, il existe à cette date 800 sociétés jacobines. — Ib., XII, 753. Discours de M. Delfau, séance du 25 juin 1792. — Rœderer, préface de sa Traduction de Hobbes.
  2. Les Révolutions de Paris, par Prudhomme, n° 173.