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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/60

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LA RÉVOLUTION


succéder les jurons patriotiques du père Duchesne ». — Le conseil a été suivi[1] : aux séances, on lit tout haut les brochures et catéchismes expédiés de Paris, la Gazette villageoise, le Journal de la Montagne, le Père Duchesne, les Révolutions de Paris, le Journal de Laclos ; enchante des chansons révolutionnaires : S’il se trouve un beau parleur, ancien oratorien, homme de loi ou maître d’école, il déverse sa provision de phrases, il parle des Grecs et des Romains, il annonce la régénération de l’espèce humaine ; tel, s’adressant aux femmes, veut que « la Déclaration des droits de l’homme devienne la principale décoration de leurs appartements et que, si la guerre survient, les vertueuses patriotes marchent à la tête des armées, comme de nouvelles bacchantes, les cheveux épars et un thyrse à la main ». On applaudit, on crie ; sous le vent des tirades, les esprits s’échauffent, et, au contact les uns des autres, ils prennent feu : des charbons mal allumés et qui s’éteindraient s’ils restaient séparés, font un brasier ardent quand on les met ensemble. — En même temps, les convictions s’affermissent : rien de si efficace qu’une coterie pour les enraciner. En politique comme en religion, si la foi enfante l’Église, à son tour l’Église nourrit la foi : dans un club comme dans un conventicule, chacun se sent autorisé par l’unanimité des autres,

  1. Constant, Histoire d’un club jacobin en province, passim (club de Fontainebleau, fondé le 5 mai 1791) ; — Albert Babeau, I, 434 et suivantes : fondation du club de Troyes, octobre 1790. — Sauzay, I, 206 et suivantes : fondation du club de Besançon, 28 août 1790, — Ib., 214 : fondation du club de Pontarlier, mars 1791.