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LA RÉVOLUTION


« Constitution, c’est la volonté générale, reprit le premier porteur de parole. La loi, c’est l’empire du plus fort. Vous êtes sous l’empire du plus fort, et vous devez vous y soumettre. Nous vous exprimons la volonté de la nation, et c’est la loi. » — Il leur explique qu’il est contre l’ancien régime, mais pour l’autorité royale. — « Oh ! répliquèrent-ils en commun, nous serions bien fâchés d’être sans roi. Nous aimons le roi, et nous défendrons son autorité. Mais il vous est défendu d’aller contre l’opinion dominante et contre la liberté décrétée par l’Assemblée nationale. » — Apparemment, il en sait plus qu’eux sur cet article, étant né Suisse et ayant vécu vingt ans dans une république : peu importe, ils insistent et parlent cinq ou six ensemble, sans entendre les mots dont ils se servent, tous se contredisent lorsqu’ils arrivent aux détails, mais tous d’accord pour lui imposer silence. « Vous ne devez pas vous opposer à la volonté du peuple ; autrement, c’est prêcher la guerre civile, outrager les décrets et irriter la nation. » — Manifestement, pour eux, la nation, c’est eux-mêmes ; à tout le moins, ils la représentent : de par leur propre investiture, ils sont magistrats, censeurs, officiers de police, et le journaliste tancé est trop heureux quand avec lui on s’en tient à des sommations. — Trois jours auparavant, il était averti qu’un attroupement formé dans son voisinage « menaçait de traiter sa maison comme celle de M. de Castries », où tout avait été brisé et jeté par les fenêtres. Une autre fois, à propos du veto absolu ou suspensif,