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LES JACOBINS


« l’occasion opportune de lancer sa proposition dans une séance de l’Assemblée nationale. Il était sûr d’y être applaudi par un très petit nombre et hué par la majorité. N’importe. Il demandait et l’on accordait le renvoi à un comité où les opposants espéraient inhumer la question ; Les Jacobins de Paris s’en emparaient. Sur invitation circulaire ou d’après leur journal, elle était discutée dans trois ou quatre cents sociétés affiliées, et, trois semaines après, des adresses pleuvaient à l’Assemblée pour demander un décret dont elle avait d’abord rejeté le projet, et qu’elle admettait ensuite à une grande majorité, parce que la discussion avait mûri l’opinion publique. » — En d’autres termes, il faut que l’Assemblée marche ; sinon on la traîne, et, pour l’entraîner, les pires expédients sont bons : là-dessus, fanatiques ou intrigants, tous les Conducteurs du club se trouvent d’accord.

En tête des premiers est Duport, ancien conseiller au Parlement, qui, dès 1788, a compris l’emploi des émeutes ; les premiers conciliabules révolutionnaires se sont tenus chez lui ; il veut « labourer profond » et ses plans pour enfoncer la charrue sont tels que Siéyès, esprit radical s’il en fut, les a nommés une « politique de caverne[1] ». C’est Duport qui, le 28 juillet 1789, a fait établir le Comité des recherches ; par suite tous les délateurs ou espions de bonne volonté font, sous sa

  1. Malouet, II, 248. « J’ai vu le conseiller Duport, qui était un fanatique et point un méchant homme, et deux ou trois du même genre s’écrier : La terreur, la terreur ! comme il est malheureux qu’on l’ait rendue nécessaire ! »