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LA RÉVOLUTION


« revenu ». Ses enfants vivent avec lui dans ce domaine qui est à sa famille depuis quatre siècles, et les paysans du lieu le nomment « leur père ». Rien de plus pacifique et même de plus méritoire que toute sa conduite. Mais, étant noble, il est suspect, et un délégué de la Commune de Paris l’a dénoncé à Compiègne comme ayant chez lui deux canons et 550 fusils. Aussitôt visite domiciliaire : 800 hommes, infanterie, cavalerie, arrivent en bataille au château d’Arsy. Il va au-devant, présente ses clefs. Après six heures de perquisition, on trouve douze fusils de chasse et treize mauvais pistolets dont il a déjà fait déclaration. Désappointés, les visiteurs grondent, cassent, mangent, boivent et font un dégât de 2000 écus[1] ; pourtant, sur l’insistance de leurs chefs, ils finissent par repartir. Mais M. de Gouy a 60 000 livres de rente ; ce serait autant de gagné pour la nation s’il émigrait ; il faut l’y contraindre en l’expulsant, et d’ailleurs, pendant l’expulsion, on se garnira les mains. Huit jours durant, on raisonne de cela dans le club de Compiègne, aux cabarets, dans la caserne, et, le neuvième jour, 150 volontaires sortent de la ville en plein midi, disant qu’ils vont tuer M. de Gouy avec tous les siens. Lui, averti, s’éloigne

  1. La plupart des visites domiciliaires aboutissent à des dégâts semblables. Par exemple (Archives nationales, F7, 3265. Lettre des administrateurs de la Seine-Inférieure, 18 septembre 1792), visite du château de Catteville, 7 septembre, par la garde nationale des environs. « La garde nationale s’enivre, brise tous les meubles, fait des décharges redoublées dans les vitres et les glaces, et le château est dans une entière ruine. » Des officiers municipaux, qui veulent s’interposer, manquent d’être tués.