Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
LA RÉVOLUTION


Pourtant il est un gibier de prédilection, le clergé, encore plus pourchassé que les nobles, et Roland, chargé de pourvoir au maintien de l’ordre public, se demande comment il pourra protéger la liberté et la vie des prêtres inoffensifs qui lui sont recommandés par la loi. — À Troyes, chez M. Fardeau, ancien curé non conformiste, on a découvert un autel garni de ses vases sacrés, et M. Fardeau, arrêté, a refusé de prêter le serment civique ; arraché de prison et sommé de crier Vive la nation ! il a refusé encore. Là-dessus, un volontaire, empruntant une hache chez un boulanger, lui a tranché la tête, et cette tête, lavée dans la rivière, a été portée à l’Hôtel de ville[1]. À Meaux, une brigade de gendarmerie parisienne a égorgé sept prêtres, et, par surcroît, six détenus de droit commun[2]. — À Reims, les volontaires parisiens ont expédié d’abord le directeur de la poste et son commis, tous deux suspects parce qu’on a vu sortir de leur cheminée une fumée de papiers brûlés, puis M. de Montrosier, vieil officier démissionnaire : c’est leur ouverture de chasse. Ensuite, à coups de pique et de sabre, ils se lancent sur deux chanoines que leurs rabatteurs ont ramenés de la campagne, puis sur deux autres prêtres, puis sur l’ancien curé de Saint-Jean, puis sur le vieux curé de Rilly ; les cadavres sont dépecés, promenés par morceaux dans la ville, brûlés dans un brasier ; l’un des prêtres bles-

    sont eux qui provoquent toutes les demandes de partage qui sont faites avec menaces. »

  1. Albert Babeau, I, 504 (20 août).
  2. Mortimer-Ternaux, III, 322. (4 septembre).