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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


sés, l’abbé Alexandre, y est jeté encore vivant[1]. — Roland reconnaît les septembriseurs qui, montrant leurs piques encore sanglantes, sont venus dans son propre hôtel réclamer leur salaire ; là où la bande passe, elle annonce, « au nom du peuple », qu’elle a « pleins pouvoirs pour propager sur toute sa route l’exemple de la capitale ». Or 40 000 prêtres insermentés sont, par le décret du 26 août, condamnés à quitter leur département sous huit jours et la France sous quinze jours : les laissera-t-on partir ? Il y en a 8000 à Rouen qui nolisent des gabares pour obéir au décret, et la populace ameutée des deux côtés de la Seine retient leurs navires. Roland voit par les dépêches qu’à Rouen et ailleurs ils se présentent en foule aux municipalités pour obtenir des passeports[2], mais que souvent on leur en refuse ; bien mieux, à Troyes, à Meaux, à Lyon, à Dôle et dans quantité d’autres villes, on fait comme à Paris, on les interne ou on les emprisonne, au moins provisoirement, « de peur qu’ils n’aillent se rassembler sous l’aigle germanique » ; en sorte que, devenus rebelles malgré eux et déclarés traîtres, ils restent parqués sous le couteau. Comme l’exportation du numéraire est interdite, ceux qui se sont procuré des laissez-passer

  1. Mortimer-Ternaux, III, 325. — Archives nationales, F7, 3239. Procès-verbal de la municipalité de Reims, du 5 au 6 septembre.
  2. Ib., F7, 4394. Correspondance des ministres en 1792 et 1793. (États présentés par Roland à la Convention de la part de divers districts et contenant la liste nominative des prêtres qui demandent des passeports pour l’étranger, des prêtres qui sont partis sans passeports, et des prêtres infirmes ou sexagénaires internés au chef-lieu du département.)