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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


Commune, Billaud-Varennes, « avec le petit habit puce et la perruque noire qu’on lui connaît », marchant sur les cadavres, dit aux massacreurs de l’abbaye : « Peuple, tu immoles tes ennemis, tu fais ton devoir ; » dans la nuit, il revient, les comble d’éloges, et leur confirme la promesse du salaire « convenu » ; le lendemain à midi, il revient encore, les félicite de plus belle, leur alloue à chacun un louis et les exhorte à continuer[1]. — Cependant, l’état-major, Santerre, requis par Roland, déplore hypocritement son impuissance volontaire et persiste à ne pas donner les ordres sans lesquels la garde nationale ne peut marcher[2]. Aux sections, les présidents M.-J. Chénier, Ceyrat, Boula, Momoro, Collot d’Herbois, envoient ou ramènent des malheureux sous les piques. À la Commune, le conseil général vote 12 000 livres à prendre sur les morts pour solder les frais de l’opération[3]. Au comité de surveillance, Marat et ses collègues

  1. Buchez et Roux, XVIII, 109, 178. (La vérité toute entière, par Méhée fils.) — Relation de l’abbé Sicard, 132, 134.
  2. Granier de Cassagnac, II. 92, 93. — Sur la présence et la complicité de Santerre, ib., 89-99.
  3. Mortimer-Ternaux, III, 277 et 299 (3 septembre). — Granier de Cassagnac, II, 257. Un commissaire de la section des Quatre Nations écrit dans son compte rendu que « la section les a autorisés à prendre les frais sur la chose ». — Déclaration de Jourdan, 151. — Lavalette, Mémoires, I, 91. L’initiative de la Commune est encore prouvée par le détail suivant : « Vers 5 heures (2 septembre), des municipaux à cheval, portant un drapeau, parcourent les rues en criant Aux armes ! Ils ajoutaient : L’ennemi approche, vous êtes tous perdus, la ville sera livrée aux flammes et au pillage. N’ayez rien à craindre des traîtres et des conspirateurs que vous laissez derrière vous ; ils sont sous la main des patriotes, et la justice nationale, avant votre départ, va les frapper de sa foudre. » Buchez et Roux, XXVIII,