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LA RÉVOLUTION


écrivent pour propager le meurtre dans les départements. — Manifestement, les meneurs et les subalternes sont unanimes, chacun à son poste et dans son emploi : par la collaboration spontanée de tout le parti, l’injonction d’en haut se rencontre avec l’impulsion d’en bas[1] ; les deux se fondent en commune volonté meurtrière, et l’œuvre s’accomplit avec d’autant plus de précision qu’elle est facile. — Les geôliers ont reçu l’ordre d’ouvrir et de laisser faire. Par surcroît de précautions, on a ôté aux prisonniers leurs couteaux de table et même leurs fourchettes[2]. Un à un, sur l’appel de leurs noms, ils défileront comme des bœufs dans un abattoir, et une vingtaine de bouchers par prison, en tout deux ou trois cents[3], suffiront à la besogne.

V

Deux sortes d’hommes fournissent les recrues, et c’est ici surtout qu’il faut admirer l’effet du dogme révolu-

    105. Lettre de Chevalier-Saint-Dizier, membre du premier comité de surveillance, 10 septembre : « Moral, Duplain, Fréron, etc., ne font en général, dans leur surveillance, qu’exercer des vengeances particulières… Marat dit tout haut qu’il faut abattre encore 40 000 têtes pour assurer le succès de la Révolution. »

  1. Buchez et Roux, XVIII, 146. Ma Résurrection, par Maton de la Varenne : « La veille, des femmes demi-ivres disaient publiquement sur la terrasse des Feuillants : « C’est demain qu’on leur f… l’âme à l’envers dans les prisons. »
  2. Mémoires sur les journées de septembre. Mon agonie, par Jourgniac-Saint-Méard, 22. — Marquise de Fausse-Lendry, 72. Le 20 août, elle a obtenu la permission de rejoindre son oncle en prison : « M. Sergent et autres me dirent que je commettais une imprudence, que les prisons n’étaient pas sûres. »
  3. Granier de Cassagnac, II. 27. Selon Roch Marcandier, leur