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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


femme de l’empoisonneur Desrues est certainement, comme lui, « intrigante, méchante et capable de tout » ; elle doit être furieuse d’être en prison ; si elle pouvait, elle mettrait le feu à Paris ; elle doit l’avoir dit ; elle l’a dit[1] : encore un coup de balai. — Et le balai, pour cette besogne plus sale, entre en mouvement sous de plus sales mains ; il y a des habitués de geôle parmi ceux qui empoignent le manche. Déjà, à l’Abbaye, surtout vers la fin, les tueurs volaient[2] ; ici, au Châtelet et à la Conciergerie, ils emportent « tout ce qui leur paraît propre à emporter », jusqu’aux habits des morts, jusqu’aux draps et couvertures de la prison, jusqu’aux petites épargnes des geôliers ; et, de plus, ils racolent des confrères. « Sur 36 prisonniers mis en liberté, il y avait beaucoup d’assassins et de voleurs ; la bande des tueurs se les associa. Il y avait aussi 75 femmes, en partie détenues pour vol ; elles promirent de bien servir leurs libérateurs » ; effectivement, plus tard, aux Jacobins et aux Cordeliers, elles seront les tricoteuses des tribunes[3]. — À la Salpêtrière, « tous les souteneurs de Paris, les anciens espions,… les libertins, les sacripants de la France et de l’Europe se sont préparés d’avance à l’opération » et le viol alterne avec le massacre[4]. — Jusqu’ici du moins le meurtre a eu pour assaisonnement le vol et la débauche ; mais à Bicêtre

    sailles. Ils expliquent leur conduite, en disant « qu’ils espéraient mettre fin aux dépenses excessives qu’occasionne à l’empire français la trop longue détention des conspirateurs ».

  1. Rétif de la Bretonne, 388.
  2. Méhée, 177.
  3. Prudhomme, les Crimes de la Révolution, III, 272.
  4. Rétif de la Bretonne, 388 : Il y avait deux sortes de femmes