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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


encore plus tarés ou plus grossiers qui prêchent dans toute sa pureté le dogme jacobin : « Ils annoncent ouvertement[1] qu’il n’y a plus de lois, que chacun est maître puisque le peuple est souverain ; que chaque fraction de la nation peut prendre les mesures qui lui conviennent au nom du salut de la patrie ; qu’on a le droit de taxer le blé, de le saisir dans les granges des laboureurs, de faire tomber les têtes des fermiers qui refusent d’amener les grains sur le marché. » À Lisieux, Dufour et Momoro prêchent la loi agraire. À Douai, d’autres prédicateurs parisiens disent à la société populaire : « Dressez des échafauds ; que les remparts de la ville soient hérissés de potences, et que celui qui ne sera pas de notre avis y soit attaché. » — Rien de plus correct ; de plus conforme aux principes, et les journaux, tirant les conséquences, expliquent au peuple l’usage qu’il doit faire de sa souveraineté reconquise[2] : « Dans les circonstances où

  1. Mortimer-Ternaux, IV, 11. Rapport de Fauchet, 6 novembre 1792. — Ib., IV, 91, 142. Discours de M. Fockedey, administrateur du département du Nord, et de M. Bailly, député de Seine-et-Marne.
  2. Prudhomme, n° du 1er septembre 1792, 375, 381, 385 ; n° du 22 septembre, 528, 530. — Cf. Guillon de Montléon, I, 144. Principes énoncés par les chefs jacobins de Lyon, Châlier, Laussel, Cusset, Rouillot, etc. : « Le temps est arrivé où doit s’accomplir cette prophétie : les riches seront mis à la place des pauvres, et les pauvres à la place des riches. » — « Les riches seront encore heureux si on leur laisse la moitié de leurs biens. » — « Si les ouvriers de Lyon manquent d’ouvrage et de pain, ils pourront mettre ces calamités à profit en s’emparent des richesses à côté desquelles ils se trouvent. » — « Nul individu ne peut mourir de faim auprès d’un sac de blé. Vou-