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LA RÉVOLUTION


« gneur de l’endroit qu’ils ne jouiraient pas en paix du fruit de leur délit. » — Voilà déjà par avance le programme jacobin de Paris, à savoir la séparation des Français en deux classes, la spoliation de l’une, le despotisme de l’autre, l’écrasement des gens aisés, rangés et probes sous la dictature des gens qui ne le sont pas.

Ici, comme à Paris, le programme s’exécute de point en point. Au Beausset, près de Toulon, un certain Vidal, capitaine de la garde nationale, « élargi deux fois par le bénéfice de deux amnisties consécutives[1] », punit de mort, non seulement la résistance, mais encore les murmures. Deux vieillards, l’un notaire et l’autre tourneur, s’étant plaints de lui à l’accusateur public, la générale bat, un rassemblement d’hommes armés se forme dans la rue, les deux plaignants sont assommés, criblés de balles, et leurs cadavres jetés dans un puits. Plusieurs de leurs amis sont blessés, d’autres prennent la fuite ; sept maisons sont saccagées, et la municipalité « asservie ou complice » n’intervient que lorsque tout est fini. — Nul moyen de poursuivre les coupables : le directeur du jury, qui, avec une escorte de mille hommes, vient procéder à l’enquête, ne peut obtenir de dépositions. La municipalité prétend n’avoir rien entendu, ni la générale, ni les coups de fusil tirés sous ses fenêtres. Les autres témoins ne disent mot, et avouent

  1. Archives nationales, F7, 3272. Lettre de l’accusateur public, 23 mai. — Lettres des administrateurs du département, 22 et 27 mai. (Sur les événements du 13 mai au Beausset.)