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LA RÉVOLUTION


« les meubles, effets, cabinets et vitres sont brisés ; » on fait ripaille avec son vin et son garde-manger, on jette ce qu’on n’a pu consommer, puis on cherche le curé et son frère, ci-devant chartreux, en criant qu’il faut « leur couper la tête et du reste de leur corps faire de la saucisse ». Quelques-uns, plus avisés, se ramassent un magot ; par exemple un certain Bourguière, cavalier dans la troupe de ligne, s’est emparé de la vigne d’une dame, veuve d’un médecin, ancien maire[1] ; il vendange cette vigne « publiquement, en plein jours », à son profit, annonce à la propriétaire qu’il l’égorgera si elle se plaint, et comme probablement elle s’est plainte, il l’oblige, au nom du pouvoir exécutif, à lui compter, en dédommagement, 50 écus. — Quant au commun des assommeurs, ils ont pour salaire, outre la chère lie, la licence parfaite. Dans ces maisons envahies à onze heures du soir, pendant que le père s’enfuit ou que le mari crie sous le bâton, l’un des garnements se tient à la porte, le sabre nu dans la main, et la femme ou la fille reste à la discrétion des autres ; ils la saisissent par le cou et la maintiennent[2]. Elle a beau appeler au secours ; « personne à Saint-Affrique n’ose plus sortir de nuit » ; personne ne vient ; le lendemain, le juge de paix n’ose recevoir la plainte, et son excuse est « qu’il a peur lui-même ». — Aussi bien, le 23 septembre,

  1. Déposition d’Anne Tourtoulon.
  2. Dépositions de Jeanne Tuffon, de Marianne Terral, de Marguerite Thomas, de Martin, procureur-syndic de la commune de Brusque, de Virot, de Brassier, etc. Les détails sont trop précis pour être transcrits.