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LA RÉVOLUTION


« petits, que leurs fusils leur passent la tête d’un pied », quantité d’enfants de seize ans, de quatorze ans, de treize ans, bref le voyou des grandes cités, tel que nous le voyons encore aujourd’hui, rabougri et malingre, naturellement insolent et insurgé[1]. Arrivés à la frontière, il s’en trouve « un tiers incapable de service[2] ». Mais, avant d’arriver sur la frontière, ils travaillent sur leur chemin en vrais « pirates ». — Plus valides de corps et plus honnêtes de cœur, les autres, sous la discipline du

  1. Moniteur, XIII, 742 (21 septembre). Le maréchal Lückner et ses aides de camp manquent d’être tués par les volontaires parisiens. — Archives nationales, BB, 16 703. Lettre de Labarrière, aide de camp du général de Flers, Anvers, 19 mars 1793, sur la désertion en masse des gendarmes de l’armée de Dumouriez, qui reviennent à Paris.
  2. Cf. L’Armée et la garde nationale, par le baron Poisson, III, 475 : « Lorsque les hostilités furent déclarées (avril 92), le contingent volontaire fut fixé à 200 000 hommes. Cette seconde tentative n’amena que des levées confuses et désordonnées. Le peu de consistance des troupes volontaires rendit impossible de continuer la guerre en Belgique et permit à l’étranger de franchir la frontière. » — Gouverneur Morris, si bien informé, écrit déjà le 27 décembre 1791 : « Les gardes nationaux qui se sont enrôlés comme volontaires sont, en beaucoup de cas, cette excroissance malsaine qui se développe dans la population surabondante des grandes cités,… sans force physique pour supporter les fatigues de la guerre,… avec tous les vices et toutes les maladies qui peuvent faire d’eux le fléau de leurs amis et la risée de leurs ennemis. » — Buchez et Roux, XXVI, 177. Plan des administrateurs de l’Hérault, présenté, à la Convention le 27 avril 1793 : « On ne doit pas dissimuler quelle est la composition du recrutement. La plupart des hommes qui le forment ne sont pas des volontaires, ne sont pas des citoyens de toutes les classes de la société qui, ayant subi le sort ou le scrutin, se soient décidés volontiers à aller défendre la république. La plupart des recrues sont des hommes de remplacement, qui, par l’appât d’un salaire considérable, se sont déterminés à quitter leurs foyers. »