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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


chaque commune ayant été chargée de fournir son contingent, « on a ramassé dans les villes ce qu’on a trouvé, les mauvais sujets au coin des rues, les gens sans aveu, et, dans les campagnes, tous les malheureux, tous les vagabonds : on a presque tout fait marcher par le sort ou par argent, » et probablement les administrations, « par ce moyen, ont entendu purger la France[1] ». Aux malheureux « achetés par les communes » ajoutez les gens du même acabit que les riches ont payés pour remplacer leurs fils[2]. On a puisé ainsi à la pelle et au rabais dans le fumier social, parmi les hôtes naturels et prédestinés des maisons de force, des dépôts de mendicité et des hôpitaux, sans s’inquiéter de la qualité, même physique : « infirmes, imbéciles, borgnes, boiteux, » contrefaits ou avariés, « les uns trop âgés, les autres trop jeunes et trop faibles pour soutenir les fatigues de la guerre, d’autres si

    ives nationales, F7, 3214. Lettre d’un habitant de Nogent-le-Rotrou (Eure). « Sur 8000 habitants, la moitié au moins a besoin de secours, et les deux tiers de ceux-ci sont dans la plus affreuse nécessité et ont à peine de la paille pour se reposer. » (3 décembre 1792.)

  1. C. Rousset, ib., 106. Lettre du général de Biron, 23 août 1792, — Ib., 126. Lettre de Vezu, chef de bataillon, 24 juillet 1793.
  2. C. Rousset, ib., 144. Lettre d’un administrateur du district de Moulins au général de Custine, 27 janvier 1793. — Un séjour en France, 27 : « Je suis fâchée de voir que la plupart des volontaires qui vont rejoindre l’armée sont des vieillards ou de très jeunes garçons. » — C. Rousset, Ib., 74, 108, 296. Lettre de Biron, 7 novembre 1792. — Ib., 105. Lettre du commandant de Fort-Louis, 17 août. — Ib., 127. Lettre du capitaine Motmé. Un tiers du 2e bataillon de la Haute-Saône est composé d’enfants de 13 à 14 ans.