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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/141

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LE PROGRAMME JACOBIN


dispose par donation ou testament est infime ; nous prescrivons le partage égal et forcé. — Pour achever, nous prêchons l’adoption, nous effaçons la bâtardise, nous conférons aux enfants de l’amour libre ou de la volonté arbitraire les mêmes droits qu’aux enfants légitimes. Bref, nous rompons le cercle fermé, le groupe exclusif, l’organisme aristocratique que, sous le nom de famille, l’égoïsme et l’orgueil avaient formé[1]. — Dès

  1. Cet article du programme jacobin a produit, comme les autres, son effet pratique. — « À Paris, dans les vingt-sept mois qui suivirent la promulgation de la loi de septembre 1792, les tribunaux prononcèrent 5904 divorces, et, en l’an VI, le nombre des divorces surpassa celui des mariages. » (Glasson, le Mariage civil et le Divorce, 51.) — « Le nombre des enfants abandonnés, qui en 1790 n’excédait pas 23 000, est aujourd’hui (an X) de plus de 63 000 en France. » (Statistique de la Sarthe, par Auvray, préfet, an X.) — Dans le Lot-et-Garonne (Statistique, par Pieyre, préfet, an X), on compte plus de 1500 enfants abandonnés ; « c’est pendant la Révolution que le nombre des enfants trouvés s’est accru à ce point extraordinaire, par l’admission trop facile des filles-mères et des enfants trouvés aux hospices, par le séjour momentané des militaires dans leurs foyers, par l’ébranlement de tous les principes de religion et de morale. » — « Il n’est pas rare de voir des enfants de 13 à 14 ans tenir des discours et une conduite qui auraient scandalisé autrefois dans un jeune homme de 20 ans. » (Moselle, Analyse, par Ferrière.) — « Les enfants d’ouvriers sont oisifs, insubordonnés ; quelques-uns se livrent aux derniers outrages envers leurs parents ; d’autres s’essayent au vol, au langage sale et grossier. » (Meurthe, Statistique, par Marquis, préfet.) — Cf. Anne Plumptre (A Narrative of three years’ residence in France from 1802 to 1805, I, 436). « Le croiriez-vous, madame, lui disait un jardinier de Nîmes ; pendant une partie de la Révolution, nous n’osions jamais gronder nos enfants pour aucune des fautes qu’ils commettaient. Ceux qui se nommaient eux-mêmes les patriotes, tenaient, comme principe fondamental de la liberté, que les enfants ne devaient jamais être corrigés. Cela les rendait si indisciplinés, que bien souvent, quand l’un des parents se hasardait à gronder son enfant, celui-ci lui disait d’aller voir