Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LA RÉVOLUTION


d’intérêts, souvenirs, idiomes et patriotismes locaux. Entre les individus, il ne doit subsister qu’un lien, celui qui les attache au corps social ; tous les autres, nous les brisons ; nous ne souffrons pas d’agrégat particulier ; nous défaisons de notre mieux le plus tenace de tous, la famille. — À cet effet, nous assimilons le mariage aux contrats ordinaires ; nous le rendons fragile et précaire, aussi semblable que possible à l’union libre et passagère des sexes ; il sera dissous à la volonté des deux parties et même d’une seule des parties, après un mois de formalités et d’épreuve ; si, depuis six mois, les époux sont séparés de fait, le divorce sera prononcé sans aucune épreuve ni délai ; les époux divorcés pourront se remarier ensemble. D’autre part, nous supprimons l’autorité maritale ; puisque les époux sont égaux, chacun d’eux a des droits égaux sur les biens communs et sur les biens de l’autre ; nous ôtons au mari l’administration, nous la rendons « commune » aux deux époux. Nous abolissons la « puissance paternelle » ; « c’est tromper la nature que d’établir ses droits par la contrainte… Surveillance et protection, voilà tous les droits des parents[1]. » Le père ne dirige plus l’éducation de ses enfants ; c’est l’État qui s’en charge. Le père n’est plus le maître de ses biens ; la quotité dont il

  1. Fenet, Travaux du Code civil, 105 (Rapports de Cambacérès, 9 août 1793 et 9 septembre 1794). — Décrets du 20 septembre 1793 et du 4 floréal an II (sur le divorce). — Cf. les projets de Saint-Just (Buchez et Roux, XXXV, 302). « L’homme et la femme qui s’aiment sont époux ; s’ils n’ont point d’enfants, ils peuvent tenir leur engagement secret. »