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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


simple particulier et clubiste, il l’était déjà ; ce n’est pas pour cesser de l’être, à présent que l’autorité légale lui appartient ; d’autant plus que, s’il faiblit, il se sent perdu, et que, pour se sauver de l’échafaud, il n’a d’autre refuge que la dictature. Un pareil homme ne se laissera pas chasser, comme ses prédécesseurs ; tout au rebours, il se fera obéir, coûte que coûte ; il n’hésitera pas à restaurer le pouvoir central et l’instrument exécutif ; il y raccrochera les rouages locaux qu’on en a détachés ; il reconstruira la vieille machine à contrainte et la manœuvrera plus rudement, plus despotiquement, avec plus de mépris pour les droits privés et pour les libertés publiques, que Louis XIV et Napoléon.

II

Cependant il lui reste à mettre d’accord ses actes prochains avec ses paroles récentes, et, au premier regard, l’opération semble difficile ; car les paroles qu’il a prononcées condamnent d’avance les actes qu’il médite. Hier, il exagérait les droits des gouvernés, jusqu’à supprimer tous ceux des gouvernants ; demain, il va exagérer les droits des gouvernants, jusqu’à supprimer tous ceux des gouvernés. À l’entendre, le peuple est l’unique souverain, et il traitera le peuple en esclave. À l’entendre, le gouvernement n’est qu’un valet, et il donnera au gouvernement les prérogatives d’un sultan. Tout à l’heure, il dénonçait le moindre exercice de l’autorité publique comme un crime ; à présent, il va punir comme un