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LE PROGRAMME JACOBIN


blit : maintenue par des contrepoids permanents, la masse reste en l’air, et l’on n’a plus besoin que d’un petit effort quotidien pour l’empêcher de retomber.

Tout au rebours dans l’entreprise jacobine : à mesure qu’elle s’exécute, la théorie, plus exigeante, ajoute au bloc soulevé des blocs plus lourds, et, à la fin, des blocs d’un poids infini. — Au commencement, le Jacobin ne s’attaquait qu’à la royauté, à l’Église, à la noblesse, aux parlements, aux privilèges, à la propriété ecclésiastique et féodale, bref aux établissements du moyen âge ; maintenant, il s’attaque à des institutions bien plus anciennes et bien plus solides, à la religion positive, à la propriété et à la famille. — Pendant quatre ans, il s’est contenté de détruire ; à présent, il veut construire ; il ne s’agit plus seulement d’abolir la religion positive et de supprimer l’inégalité sociale, de proscrire les dogmes révélés, les croyances héréditaires et le culte établi, la primauté de rang et la supériorité de fortune, la richesse et l’oisiveté, la politesse et l’élégance ; il faut en outre former le citoyen, fabriquer des sentiments nouveaux, imposer à l’individu la religion naturelle, l’éducation civique, les mœurs égalitaires, les manières jacobines, la vertu spartiate, bref ne rien laisser en lui qui ne soit prescrit, conduit et contraint. — Dès lors, la Révolution a contre elle, non seulement les partisans de l’ancien régime, prêtres, nobles, parlementaires, royalistes et catholiques, mais encore tout homme imbu de la civilisation européenne, membre d’une famille régulière et possesseur d’un capital gros ou petit, propriétaires de