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LES GOUVERNANTS


« superflu doivent (donc) subvenir aux besoins de ceux qui manquent du nécessaire ». Sinon « l’honnête citoyen, que la société abandonne à sa misère et à son désespoir, rentre dans l’état de nature, et a le droit de revendiquer à main armée les avantages qu’il n’a pu aliéner que pour s’en procurer de plus grands. Toute autorité qui s’y oppose est tyrannique, et le juge qui le condamne à mort est un lâche assassin[1] ». Ainsi les innombrables émeutes que provoque la disette sont justifiées, et, comme la disette est permanente, l’émeute quotidienne est légitime. — D’autre part, ayant posé en principe la souveraineté du peuple, il en déduit « le droit sacré qu’ont les commettants de révoquer leurs délégués », de les prendre au collet s’ils prévariquent, de les maintenir dans le devoir par la crainte, de leur tordre le cou s’ils ont jamais la tentation de voter mal ou de mal administrer. Or, cette tentation, ils l’ont toujours. « Il est une vérité éternelle dont il est important de convaincre les hommes : c’est que le plus mortel ennemi que le peuple ait à redouter, c’est le gouvernement. » — « Tout ministre qui est deux fois vingt-quatre heures en place, lorsque le cabinet n’est pas dans l’impossibilité de machiner contre la patrie, est suspect[2]. » — Levez-vous donc, misérables des

  1. Chevremont, I, 106. Projet de Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen (1789). — Ib., I, 196.
  2. L’Ami du Peuple, nos 24 et 274. — Cf. placard de Marat, 18 septembre 1792. « Il faut que la Convention nationale soit sans cesse sous les yeux du peuple, pour qu’il puisse la lapider si elle oublie ses devoirs. »