Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
LA RÉVOLUTION


caractère, il est un barbare, et un barbare né pour commander à ses pareils, comme tel leude du sixième siècle ou tel baron du dixième. Un colosse à tête de « Tartare » couturée de petite vérole, d’une laideur tragique et terrible, un masque convulsé de « bouledogue » grondant[1], de petits yeux enfoncés sous les énormes plis d’un front menaçant qui remue, une voix tonnante, des gestes de combattant, une surabondance et un bouillonnement de sang, de colère et d’énergie, les débordements d’une force qui semble illimitée comme celles de la nature, une déclamation effrénée, pareille aux mugissements d’un taureau, et dont les éclats portent à travers les fenêtres fermées jusqu’à cinquante pas dans la rue, des images démesurées, une emphase sincère, des tressaillements et des cris d’indignation, de vengeance, de patriotisme, capables de réveiller les instincts féroces dans l’âme la plus pacifique[2] et les instincts généreux dans l’âme la plus abrutie, des jurons et des gros mots[3], un cynisme, non pas monotone et voulu comme celui d’Hébert, mais jaillissant, spontané et de source vive, des crudités énormes et dignes de Rabelais, un fond de sensualité joviale et de bonhomie gouailleuse, des façons cordiales et familières, un ton de franchise et de camaraderie,

  1. Expressions de Garat et de Rœderer. — La Révellière-Lépeaux l’appelle « le Cyclope ».
  2. Mot de Fauchet : « le Pluton de l’éloquence ».
  3. Riouffe, Mémoires sur les prisons. En prison « toutes ses phrases étaient entremêlées de jurements et d’expressions ordurières. »