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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/268

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LA RÉVOLUTION


ment un lacet[1], et, de peur qu’ils ne s’échappent, il les étrangle au préalable. Vers la fin, rien de tout cela ne suffit plus ; il faut à la bête de grandes curées, partant une meute, des rabatteurs, et, bon gré mal gré, c’est Robespierre qui équipe, dispose et pousse les pourvoyeurs, à Orange, à Paris[2], pour vider les prisons, avec l’ordre d’être expéditifs dans leur besogne. À ce métier de boucher, les instincts destructeurs, longtemps comprimés par la civilisation, se redressent. Sa physionomie de chat, qui a d’abord été celle « d’un chat domestique, inquiète, mais assez douce, est devenue la mine farouche d’un chat sauvage, puis la mine féroce d’un chat-tigre… À la Constituante, il ne parlait qu’en gémissant ; à la Convention, il ne parle qu’en écumant[3]. » Cette voix monotone de régent gourmé prend un accent personnel de passion furieuse ; on l’entend qui siffle et qui grince[4] ; quelquefois, par un changement à vue, elle affecte de pleurer[5] ; mais ses plus âpres

  1. Hamel, III, 196. — Michelet, V, 394. Abréviation des débats judiciaires pour expédier les Girondins. La minute du décret s’est retrouvée, écrite par Robespierre.
  2. Comte de Martel, Types révolutionnaires, 44. Les instructions pour le tribunal révolutionnaire d’Orange sont écrites de la main de Robespierre (Archives nationales, F7, 4439).
  3. Merlin de Thionville.
  4. Buchez et Roux, XXXII, 71 (sur Danton) : « Nous verrons dans ce jour si la Convention saura briser une prétendue idole pourrie depuis longtemps… En quoi Danton est-il supérieur à ses concitoyens ? Je dis que quiconque tremble en ce moment est coupable… La discussion qui vient de s’engager est un danger pour la patrie. » — Et tout le discours contre Clootz.
  5. Ib., XXX, 358 : « Hélas, malheureux patriotes, que pouvons-nous faire, environnés d’ennemis qui combattent dans nos