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LA RÉVOLUTION


« bunal révolutionnaire », et jure de dénoncer « quiconque voudrait entraver l’exécution du décret[1] ». Robespierre ne lui a-t-il pas fait la leçon, et de son ton le plus rogue ? Quoi de plus beau, a dit le grand moraliste, quoi de plus sublime qu’une assemblée qui se purge elle-même[2] ! — Ainsi, non seulement le filet qui a déjà ramené tant de proies palpitantes n’est point rompu, ou élargi, ou remisé, mais à présent il pêche à gauche aussi bien qu’à droite, et de préférence sur les plus hauts bancs de la Montagne[3]. Bien mieux, par la loi du 22 prairial, ses mailles sont resserrées et son envergure est accrue ; avec un engin si perfectionné, on ne peut manquer de pêcher le vivier jusqu’à épuisement. Quelque temps avant le 9 thermidor, David, un des fidèles de Robespierre, disait lui-même : « Resterons-nous vingt de la Montagne ? » Vers le même temps, Legendre, Thuriot, Léonard Bourdon, Tallien,

  1. Moniteur, XX, 95, 135 (séance du 11 germinal à la Convention et aux Jacobins).
  2. Buchez et Roux, XXXII, 17 (séance du 26 ventôse an II, discours de Robespierre). « Dans quel pays a-t-on vu un sénat puissant chercher dans son sein ceux qui auraient trahi la cause commune, et les envoyer sous le glaive de la loi ? Qui donc a donné ce spectacle au monde ? Vous citoyens ! (La salle retentit d’applaudissements). » — Moniteur, XX, 95.
  3. Miot de Melito, Mémoires, I, 44. À table, au ministère des affaires étrangères, Danton disait : « La Révolution est comme Saturne, elle mangera ses enfants, »… Pour Camille Desmoulins, « sa tristesse annonçait qu’il pressentait déjà le sort qui l’attendait, et le peu de mots qu’il laissait échapper avaient toujours pour objet de rechercher, ou des observations sur les condamnations du Tribunal révolutionnaire et sur le genre de supplice infligé aux condamnés, ou la plus décente façon de s’y préparer ou de le supporter ».