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LES GOUVERNANTS


linge, la cave des décapités ou détenus[1], couche dans leur lit, boit leur vin, festine en grande compagnie à leurs frais et à leur place. Pareillement un bandit en chef, qui ne tue ni vole de ses propres mains, fait voler et tuer en sa présence, et jouit substantiellement, non par procuration, mais en personne, des bons coups qu’il a commandés. — À ce degré et avec cette proximité de l’action physique, la toute-puissance est un air méphitique auquel nulle santé ne résiste. Ramené aux conditions qui l’empoisonnaient dans les temps ou dans les contrées barbares, l’homme est ressaisi par des maladies morales dont on le croyait désormais exempt ; il rétrograde jusqu’aux étranges pourritures de l’Orient et du moyen âge ; des lèpres oubliées et qui semblaient éteintes, des pestes exotiques et auxquelles l’entrée des pays civilisés semblait fermée, reparaissent dans son âme avec leurs croûtes ou leurs bubons.

VII

« Il semble, dit un témoin qui a longtemps connu Maignet, que tout ce qu’il a fait pendant ces cinq ou

  1. Ludovic Sciout, Histoire de la Constitution civile du clergé, IV, 136 (Arrêtés de Pinet et Cavaignac, 22 pluviôse et 2 ventôse). — Moniteur, XXIV, 469 (séance du 30 prairial an III, dénonciation du représentant Laplanche, à la barre, par Boismartin). Le 24 brumaire an II, Laplanche et le général Scepher viennent s’installer à Saint-Lô chez un vieillard septuagénaire, Lemonnier, alors en état d’arrestation ; « à peine y furent-ils entrés, des provisions de toute espèce, linge, habits, meubles, bijoux, livres, argenterie, voitures, titres de propriété, tout disparut ». Tan-
  la révolution. v.
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