I
Rien de plus dangereux qu’une idée générale dans des cerveaux étroits et vides : comme ils sont vides, elle n’y rencontre aucun savoir qui lui fasse obstacle ; comme ils sont étroits, elle ne tarde pas à les occuper tout entiers. Dès lors ils ne s’appartiennent plus, ils sont maîtrisés par elle ; elle agit en eux, et par eux ; au sens propre du mot, l’homme est possédé. Quelque chose qui n’est pas lui, un parasite monstrueux une pensée étrangère et disproportionnée vit en lui, s’y développe et y engendre les volontés malfaisantes dont elle est grosse. Il ne prévoyait pas qu’il les aurait, il ne savait pas ce que contient son dogme, quelles conséquences venimeuses et meurtrières vont en sortir. Elles en sortent fatalement, tour à tour et sous la pression des circonstances, d’abord les conséquences anarchiques, maintenant les conséquences despotiques. Arrivé au pouvoir, le Jacobin apporte avec lui son idée fixe ; dans le gouvernement comme dans l’opposition, cette idée est féconde, et la toute-puissante formule allonge dans un nouveau domaine la file pullulante de ses anneaux multipliés.