Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
LA RÉVOLUTION


« remettre à la besogne, pourvu que ce soit pour tuer les coquins de riches, d’accapareurs et de marchands », tous « ayant fréquenté les sociétés populaires et se croyant des philosophes, quoique la plupart ne sachent pas lire » ; à leur tête, le demeurant des plus notables bandits politiques, le fameux maître de poste Drouet, qui, à la tribune de la Convention, s’est lui-même déclaré « brigand[1] » ; Javogues, le voleur de Montbrison et « le Néron de l’Ain[2] » ; l’ivrogne Cusset, jadis ouvrier en soie, ensuite pacha de Thionville ; Bertrand, l’ami de Châlier, ex-maire et bourreau de Lyon ; Darthé, ex-secrétaire de Lebon et bourreau d’Arras ; Rossignol et neuf autres septembriseurs de l’Abbaye et des Carmes ; enfin, le grand apôtre du communisme autoritaire, Babeuf, qui, condamné à vingt ans de fers pour un double faux en écritures publiques, aussi besogneux que taré, promène sur le pavé de Paris ses ambitions frustrées et ses poches vides, en compagnie des sacripants déchus qui, s’ils ne remontent pas au trône par un nouveau massacre[3], traîneront indéfiniment leurs souliers éculés dans les rues, faute d’argent « pour retirer de chez le

  1. Moniteur (séance du 5 septembre 1793). Discours de Drouet : « Puisque notre vertu, notre modération, nos idées philosophiques ne nous ont servi de rien, soyons brigands pour le bonheur du peuple ; soyons brigands. »
  2. Mot de Couthon sur Javogues.
  3. Babeuf, le Tribun du peuple, no 40 : Apologie des hommes de Septembre « qui n’ont été que les prêtres, les sacrificateurs d’une juste immolation qu’exigeait le salut commun. S’il est quelque chose à regretter, c’est qu’un Deux-Septembre plus vaste, plus général, n’eut pas fait disparaître la totalité des affameurs, des spoliateurs. »