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LA RÉVOLUTION


sa tête, qu’il vit sous une menace perpétuelle et ordinairement suivie d’effet, que chaque matin il peut s’attendre à coucher le soir dans une maison d’arrêt. — Tantôt il est consigné dans l’enceinte de sa commune. — Tantôt il est reclus chez lui, avec ou sans gardes, et, dans le premier cas, toujours avec l’obligation de payer ses gardes. — Tantôt enfin, et c’est le cas le plus fréquent, il est enfermé dans une maison d’arrêt ou de détention. — Dans le seul département du Doubs[1] on compte 1200 hommes et femmes ajournés, 300 consignés dans leur commune, 1500 reclus chez eux et 2200 en prison. Dans Paris, 36 vastes prisons et 96 « violons » ou geôles provisoires, que remplissent incessamment les comités révolutionnaires, ne suffisent pas au service[2], et l’on calcule qu’en France, sans compter plus de 40 000 geôles provisoires, 1200 prisons, pleines et bondées, contiennent chacune plus de 200 reclus[3]. À Paris[4], malgré les vides quotidiens opérés par la guillotine, le chiffre des détenus monte, le 9 floréal an II, à 7840 ; et, le 25 messidor suivant, malgré les grandes fournées de cinquante et soixante personnes conduites en un seul jour et tous les jours à l’échafaud, le chiffre est

  1. Sauzay, V, 196 (Le total est de 5200 ; probablement, il faudrait y ajouter quelques centaines de noms, parce que les listes manquent pour plusieurs villages).
  2. Buchez et Roux, XXXIV, 434 (Procès de Fouquier-Tinville, déposition de Thirriet-Grandpré, chef de division à la commission des administrations civiles, police et tribunaux, 51e témoin).
  3. Rapport de Saladin, 4 mars 1795.
  4. Wallon, la Terreur, II, 202.