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LA RÉVOLUTION


nière naturelle et spéciale, celle qu’il importe le plus de préserver, puisqu’elle fournit à la société des instruments tout fabriqués de défense, à l’intérieur contre les scélérats et les brutes, à l’extérieur contre l’ennemi. Avec moins de sérieux et plus de désœuvrement que la noblesse rurale de Prusse, sous une discipline plus relâchée et parmi des mœurs plus mondaines, mais avec plus de douceur, une urbanité plus fine et des idées plus libérales, les vingt-six mille familles nobles de France entretenaient dans leurs fils les traditions et les préjugés, les habitudes et les aptitudes, les énergies de corps, de cœur et d’esprit[1], par lesquels les hobereaux prussiens ont constitué l’armée prussienne, organisé l’armée allemande et fait de l’Allemagne la première puissance de l’Europe.

IV

Pareillement dans l’Église, presque tout le personnel, tout le bas et moyen clergé, curés, vicaires, chanoines et chapelains des collégiales, professeurs ou directeurs d’école, de collège et de séminaire, plus de 65 000 ecclésiastiques, faisaient un corps sain, bien constitué et qui remplissait dignement son emploi. — « Je ne sais, dit M. de Tocqueville[2], si, à tout prendre et malgré les

  1. On peut définir les familles nobles, sous l’ancien régime, des familles d’enfants de troupe.
  2. L’Ancien Régime et la Révolution, par M. de Tocqueville, 169. — Mon jugement, fondé sur l’étude des textes, coïncide ici, comme ailleurs, avec celui de M. de Tocqueville. Les documents,