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LES GOUVERNÉS


mais encore tous ces honnêtes gens qui, depuis juillet 1789 jusqu’à la fin de 1791, avaient administré avec désintéressement, application et zèle, parmi tant de difficultés, de périls et de dégoûts. Composée de Feuillants ou monarchistes, ayant pour types des hommes comme Huez de Troyes ou comme Dietrich de Strasbourg, et, pour représentants, des chefs comme La Fayette et Bailly, elle comprenait les meilleures lumières, les plus solides probités du tiers état. Manifestement, c’est elle qui, avec la noblesse et le clergé, avait recueilli presque tout le produit net de l’histoire, la plus grosse part du capital mental et moral accumulé, non seulement par le siècle, mais encore par les siècles précédents.


VI

Comme un foyer allumé sur une hauteur, dans un lieu obscur et froid, la civilisation, entretenue sur les cimes et à grands frais au milieu de la barbarie humaine, ne rayonne qu’en s’affaiblissant. À mesure qu’elle atteint des couches plus écartées et plus profondes, sa lumière et sa chaleur diminuent. Néanmoins l’une et l’autre pénètrent encore assez loin et assez bas avant de s’amortir tout à fait, et si l’on veut évaluer leur force en France à la fin du dix-huitième siècle, il faut ajouter aux notables les demi-notables, je veux dire les hommes adonnés, comme le peuple, au travail manuel, mais qui dans le peuple tenaient la tête, peut-