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LES GOUVERNÉS


naire est une coupe sombre, conduite à travers le peuple comme à travers les autres classes, à travers le taillis comme à travers la futaie, souvent de manière à faire place nette et à raser jusqu’aux plus bas buissons.

Mais, dans cette coupe à blanc étau, les notables du peuple, proportion gardée, ont plus à souffrir que les simples gens du peuple, et, manifestement, le bûcheron jacobin s’acharne, avec insistance et choix, sur les vétérans du travail et de l’épargne, sur les gros fermiers qui, de père en fils et depuis plusieurs générations, tiennent la même ferme, sur les ouvriers-patrons qui ont un atelier bien monté et une bonne clientèle, sur les boutiquiers estimés et achalandés qui n’ont pas de dettes, sur les syndics de village et de métier ; car ils portent tous, plus profondément et plus visiblement que les autres gens de leur classe, les cinq ou six marques qui appellent la hache. — Ils sont plus à leur aise, mieux fournis des choses nécessaires ou commodes, et cela seul est un délit contre l’égalité. Ayant un pécule, quelques pièces d’argenterie, parfois un magot d’écus[1], une provision de linge et de vêtements, de

    26 ventôse an II, discours de Baudot) : « 40 000 personnes, de tout âge et de tout sexe, ont, dans les seuls districts d’Haguenau et de Wissembourg, fui le territoire français, à la reprise des lignes. Les noms sont dans nos mains, les meubles dans le dépôt de Saverne, et les propriétés au pouvoir de la République. »

  1. Albert Babeau, Histoire de Troyes, II, 160 : « Un jardinier conservait avec soin 8223 livres en or, qui étaient le fruit de ses économies : menacé de la prison, il fut obligé de les livrer. »