Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
LA RÉVOLUTION


lats, officiers, grands seigneurs, grandes dames, M. de Clermont-Tonnerre, M. de Crussol d’Amboise, M. de Kersaint, M. de Saint-Simon, évêque d’Agde, la comtesse de Narbonne-Pelet, la duchesse de Gramont, la princesse de Chimay, la comtesse Raymond de Narbonne et sa fille âgée de dix ans, bref la fleur de cette société polie que l’Europe admirait, imitait, et qui, par sa perfection exquise, égalait ou surpassait tout ce que la civilisation supérieure, en Grèce, à Rome, en Italie, a produit de plus aimable, de plus brillant, de plus fin. Mettez en regard les arbitres de leur vie et de leur mort, les potentats du même quartier qui ont décerné contre eux le mandat d’arrêt, qui les parquent pour les exploiter, et qui, sous leurs yeux, à leurs frais, font des ripailles : ce sont les membres du comité révolutionnaire de la Croix-Rouge, les dix-huit drôles vérifiés ou manœuvres crapuleux qu’on a décrits[1], ex-cochers, portiers, savetiers, commissionnaires du coin, garçons vidangeurs, banqueroutiers, faussaires, anciens ou futurs repris de justice, tous gibier de police ou d’hôpital. — À l’autre bout de Paris, dans la tour du Temple, séparé de sa sœur, arraché à sa mère, le petit Dauphin vit encore ; nul en France n’est si digne de pitié et de respect, car, s’il y a une France, c’est grâce aux trente-cinq chefs militaires ou rois couronnés dont il est le dernier rejeton direct. Sans leurs dix siècles de politique persévérante et de commandement héréditaire, les conventionnels, qui viennent de profaner leurs tombes à Saint-Denis

  1. Voyez le présent volume, livre III, ch. III.